Poésie

Par Bernard Pokojski

Léopold Sédar Senghor, universel

Quand je serai mort, mes amis, couchez-moi sous Joal-l’Ombreuse
Sur la colline au bord du Mamanguedy, près l’oreille du sanctuaire des Serpents.
Mais entre le Lion couchez-moi et l’aïeule Tening-Ndyae.
Quand je serai mort mes amis, couchez-moi sous Joal-la-Portugaise.
Des pierres du Fort vous ferez ma tombe, et les canons garderont le silence.
Deux lauriers roses-blanc et rose-embaumeront la
Signare.

(Epitaphe de Senghor)

Epitaphe écrite par Senghor lui-même, né le 9 octobre 1906 au Sénégal, à Joal qu’il vient de rejoindre dans la mort le jeudi 20 décembre de l’année dernière « Ci-gît Sédar Senghor, fils de Dyogoye-le-lion et de Ngilane-la-douce. »

Regard donc sur cette longue vie de poète qui commença dans une vaste maison opulente, les parents étant propriétaires terriens, mais austère dans son décor. Dehors cependant les coquillages chantaient sous les pieds et les phacochères couraient librement. La famille catholique appartenait à l’ethnie sérère dont Senghor parlera uniquement la langue jusqu’à l’âge de sept ans. Mais c’était un surdoué, car il fallait évidemment l’être à cette époque pour franchir toutes les étapes de Dakar à Paris. Un temps, Senghor qui était entré au séminaire de Dakar voulut devenir prêtre mais selon ses dires mêmes s’en détourna car « on nous enseignait que les Noirs n’ont rien apporté à la civilisation ».

Autre épisode, celui de ce père qui lui refusa le lit et les draps réservés aux Européens et qui le conduisit directement à la rébellion... les voies/voix du Seigneur... Edgar Faure, plus tard, qui le recevait à l’Académie française déclarera : « En vous refusant la civilisation de la literie, on vous donnait la clé de toutes les autres ». Senghor sera un esprit curieux de tout qui brillera en mathématiques pour succomber finalement aux charmes exquis de la grammaire. Il arrivera à Paris à l’aube des années 30 pour entrer au lycée Louis-le-Grand où en khâgne il se liera avec un autre futur président comme lui, Pompidou. Ensuite, ce sera la Sorbonne où il devint le premier agrégé de grammaire africain en 1935. Itinéraire parfait qui nous intéresse dans le sens que le futur poète va forger son identité au contact de Paris : « Il pleuvait, il faisait froid, j’ai trouvé ça très laid » et qu’il aura ce cri : « Je déchirerai les rires Banania de tous les murs de France », car ce dont il souffrait le plus, c’était ce paternalisme qui s’appliquait à tout ce qui était africain.

Rappelons qu’en 1932 avait déjà été publiée à Paris l’éphémère revue, qui ne compta qu’un seul numéro — les autorités veillant au grain — Légitime défense, œuvre d’un groupe d’étudiants martiniquais. Dans cette revue transparaissait une joie sensuelle d’écrire qui réglait son compte à la laideur coloniale sans aller pourtant jusqu’à invoquer l’indépendance. René Ménil, dans la préface qu’il a donnée au reprint de la revue chez Jean Michel Place en 1978, avance que « Légitime défense, pratiquant une manière de psychologie naïve et spontanée — donc fausse — commence déjà (sans penser à mal) à esquisser les traits d’une mentalité nègre ».

Après cela, il ne fallut pas attendre bien longtemps pour que paraissent en 1937 Pigments du Guyanais Damas et Cahier d’un retour au pays natal de Césaire en 1939, venant répondre à cette faim de littérature et de poésie qu’annonçait Légitime défense et que le concept de « négritude » ne surgisse.

A cette époque, Senghor n’était encore qu’un professeur au lycée de Tours puis au lycée Marcelin-Berthelot à Paris. Il connaîtra la captivité durant la Seconde guerre, sera libéré pour raison de santé et entrera dans la Résistance. En 1945, il se laissera convaincre par Lamine Gueye, député du Sénégal au Parlement français, de s’engager dans la politique et deviendra « député de la brousse » participant même à la mise en forme de la Constitution de la IVe République. « Mon but, c’était d’emmener le Sénégal à l’indépendance puis de prendre ma retraite politique. ».

Mais 1945 voit la parution de son premier recueil de poèmes Chants d’ombre où le mot « négritude », qui connaîtra ensuite la fortune que l’on sait, vient affronter « la solitude retentissante des grandes cités ». Dans ce recueil sont là déjà tous les thèmes de l’œuvre à venir : l’enfance et l’exil, l’homme et le cosmos ainsi que le téléscopage des cultures. Il avait d’ailleurs fait publier en 1948 une Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache préfacée par Jean-Paul Sartre, et sera toujours le chantre du métissage.

« Je ne fus pas toujours pasteur de têtes blondes sur les plaines arides de vos livres.
Pas toujours bon fonctionnaire, déférent envers ses supérieurs.
Bon collègue poli élégant — et les gants ? — souriant largement.
(...)
Les poétesses du sanctuaire m’ont nourri.
Les griots du roi m’ont chanté la légende véridique de ma race aux sons des hautes koras. »

Dans ce recueil il y a l’un de ses poèmes les plus connus Femme noire qui a nourri tant de fantasmes, suivi tout de suite de Masque nègre, dédié à Picasso, car Senghor est conscient des relations entre l’art européen qui lui est contemporain et sa propre culture, incantatoire car faite d’oralité. « Je persiste à croire que le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps. »

Edouard Glissant, à l’occasion des 90 ans du poète dira : « La poésie, cérémonielle et forte, de Léopold Sédar Senghor nous convie au rythme du verset, où nous retrouvons notre souffle, et nous n’oublierons pas qu’elle a aussi rempli une fonction, humble et orgueilleuse, que régente le scribe ou le copiste, par quoi elle a fait entrer la matière africaine dans le savoir et la sensibilité du XXe siècle commençant. »

Dans ses articles et ses essais, Senghor fera aussi montre d’une érudition étourdissante et dira avoir été frappé très tôt par les similitudes entre les civilisations grecque et africaine rapprochant les mystères de l’Antiquité des cérémonies initiatiques africaines ainsi que le griot de l’aède. Il écrira aussi que « le continent africain a occupé une place importante dans l’élaboration de la civilisation grecque (...) les Grecs aimaient à dire leurs dettes envers la civilisation égyptienne (...) Mais les Egyptiens eux-mêmes n’ont pas fait mystère de leurs emprunts : ils désignaient la Nubie des nègres comme la source de leur civilisation (...) Le continent africain et, avec lui, la Négritude ont toujours — avec des éclipses bien sûr — été mêlés à l’élaboration de cette civilisation dont le centre est la Méditerranée. »

Et le recueil le plus important de Senghor s’appellera Ethiopiques. « Le poète est comme la femme en gésine, il lui faut enfanter. Le Nègre singulièrement, qui est d’un monde où la parole se fait spontanément rythme dès que l’homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité » (postface d’Ethiopiques)

Senghor a toujours prôné le métissage culturel et le respect de l’autre, pardonnant même au colonisateur ses fautes tout en portant très haut les valeurs de sa propre culture. « Je suis mouvement du tam-tam, force de l’Afrique future », rêvant de réconcilier à jamais le Nord et le Sud. Certains lui reprocheront d’être plus français qu’africain mais il aura ces mots : « J’écris en français mais j’ai toujours senti, voire pensé en négro-africain je suis devenu un métis culturel ». Tout jeune militant, il s’était juré « de voler à l’Europe les instruments de sa supériorité ; ses machines bien sûr, mais surtout l’esprit de ses machines, (...) sa raison discursive. » Il apprit aussi l’arabe et l’égyptien ancien et fit des études sur les langues parlées dans le nord de son pays et fut un avocat acharné de la francophonie.

En 1960, le Sénégal accèdera enfin à l’indépendance et Senghor sera son premier président, réélu régulièrement — candidat unique plébiscité à une majorité écrasante. En 1976, il introduira le multipartisme et se verra réélu malgré l’émergence de deux nouveaux partis. Senghor aura donc eu le mérite d’avoir fait du Sénégal une démocratie même s’il se montra très dur avec les étudiants ou ses anciens compagnons d’armes, mais son aura et son prestige ont aussi rejailli sur tout son pays. En 1981, Senghor se retirera des affaires de son pays et sera succédé par son premier ministre qu’il avait préparé à tenir les plus hautes fonctions depuis quelques années.

Senghor, héritier des griots et de Saint-John Perse n’a cessé de nous rappeler que la négritude (« La simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire, et de notre culture ») était un humanisme du XXe siècle, manière de voir et de vivre le monde, de danser et de chanter, de peindre et de sculpter mais surtout de rêver.

En 1996, il avait cette phrase « Je ne suis pas sûr de mourir. Et si c’était ça l’enfer ? » Mais la mort l’a rejoint en Normandie qui était l’un de ses chez lui et nous reste une œuvre qui rêvait une planète enfin réconciliée...

詩詞

波高斯基 撰文 - 王人德 譯

列奧波爾德.塞達.桑戈爾——屬於世界的詩人

朋友,如果我死去,請將我
葬於馬曼格迪河畔的山丘上
那綠樹成蔭的若阿勒村裡,
耳朵靠近莊嚴肅穆的蛇廟,
讓我安睡在雄獅和祖母特寧-娥蒂亞之間。
朋友,如果我死去,請將我
葬於若阿勒-拉-葡萄牙村裡。
用堡壘的石頭築起我的墳墓,
讓槍炮闃然無聲。
兩株粉紅及白色的夾竹桃
陣陣清香飄溢在西尼亞克河上。

(桑戈爾的墓誌銘)

這是桑戈爾為自己立下的墓誌銘。他於一九零六年十月五日誕生於塞內加爾的若阿勒(Joal),於去年十二月二十日星期四辭世,遺體運回故鄉安葬。墓碑上寫著:〝勇猛如獅的迪奧戈耶及柔情似水的娥吉蘭之子桑戈爾長眠於此。〞

詩人漫長的一生是由一所軒敞富足的巨宅開始的。父母是地主,治家嚴厲。外面海灘上,貝殼類動物在人們腳下發出聲響,疣豬自由自在地東奔西竄。信奉天主教的家庭屬謝列爾部族,小桑戈爾直至七歲都只講謝列爾語。這是一個智商極高的兒童,因為在那個年代,欲從達喀爾來到巴黎,困難重重,非具超人的稟賦不可。在達喀爾神學院讀書的時候,桑戈爾曾立志當一名神甫,後來他放棄了,據他自己所言,那是因為人們〝告訴他黑人對人類文明毫無貢獻。〞

另一件事是神甫不准他使用白人專用的床和床單,這直接激發他起來反抗……上帝的旨意……埃德加.富爾(Edgar Faure)後來在法蘭西學士院接待他時對他說道:〝人們拒絕你床具的文明,卻給了你打開一切文明的鎖匙。〞桑戈爾對一切都感興趣,在數學方面天份極高,後來卻為文法的魅力所迷,專攻文法。他於三十年代初來到巴黎,入讀路易十四中學。在高等師範文科預備班裡,結識了後來也成為總統的蓬皮杜。接著,他到巴黎大學攻讀,並於一九三五年成為第一位取得教師資格的非洲籍文法教師。這個人生取向是我們感興趣的,未來的詩人在與巴黎的交會中確定了自己的身份。〝陰雨綿綿,寒風刺骨,我覺得這些非常醜陋。〞他狂呼道:〝我要撕毀法國所有牆上的巴納尼亞巧克力廣告。〞(註一)因為最使他感到痛心的是所有有關非洲的事物裡都縈繞著種族歧視的陰影。

一九三二年,一群馬提尼克留學生創辦了《合法捍衛》雜誌(Legitime defense),由於當局嚴加防範,只出了一期便無疾而終,可謂曇花一現。在這份雜誌裡,黑人學生對醜惡的殖民主義大張撻伐,一抒心中怨氣的快樂隱約可見,然而尚未號召民族獨立。勒內.梅尼(Rene Menil)在讓.米歇爾.普拉斯(Jean Michel Place)重印的雜誌裡寫道:〝《合法捍衛》雖然以一種天真及自發的方式,因此也是錯誤的方式行事,卻也開始(如果不往壞處想的話)描繪出了黑人精神的輪廓。〞

在這之後,無需等太長的時間,圭亞那的達馬斯(Demas)的《顏料》(Pigments)和馬提尼克的塞澤爾(Cesaire)的《還鄉日記》(Cahier d据n retour au pays natal)分別於一九三七年和一九三九年相繼問世,回應了《合法捍衛》雜誌對文學和詩歌創作的渴望。〝黑人性〞的理念也誕生了。

這個時期,桑戈爾還只是圖爾市的一名中學教員,後轉至巴黎馬塞蘭.貝特洛中學(Lycee Marcelin-Berthelot)執教。他二次大戰時被俘,後因健康理由獲釋,接著又投身〝抵抗運動〞。一九四五年他被法國議會塞內加爾議員拉明.蓋伊(Lamine Gueye)說服參政,並成為塞內加爾制憲會議代表,同時還參與了法蘭西第四共和憲法的制定。〝我的目的是引導塞內加爾走上獨立,然後功成身退。〞

一九四五年,他的詩集《陰影的歌》(Chants d'ombre)出版問世。詩集裡後來被發揚光大的〝黑人性〞抗擊了〝大都會強烈的孤獨感〞。在這本詩集裡,他以後作品裡觸及的種種問題均一一湧現:童年和流放,人類和宇宙以及各種文化間的相互撞擊。一九四八年,他還出版了《黑人及馬達加斯加新詩選》(Anthologie de la nouvelle poesie negre et malgache),由讓-保羅.薩特作序,他始終是文化交流融合的頌揚者。

〝我並非總是一名牧師,帶領著一群金髮孩子埋首在你們
枯燥無味的課本裡,
也非總是一位對上司恭恭順順的好公務員,
一位笑容燦爛、溫文有禮、風度翩翩的同事。
(……)
非洲聖殿的女詩人哺育著我
國王的樂師以高吭的科拉琴伴奏,
為我唱出了我的民族真實感人的傳說。〞

在這本詩集裡有一首他最膾炙人口的詩《黑種女人》(Femme noire),詩中充滿神奇幻景。接著,他發表了題獻畢加索的詩《黑面具》(Masque negre),因為他深知現代歐洲藝術和他自己民族口傳的咒語般的文化之間的關係。他說:〝我堅信一首詩只有在它同時成為歌、話語及音樂之後方臻完美。〞

愛德華.格利桑(Edouard Glissant)在詩人九十華誕時說道:〝列奧波爾德.塞達.桑戈爾的詩彬彬有禮、鏗鏘有力,饗我們以充滿節奏的詩句。在詩行裡,我們神清氣爽。我們沒有忘記他的詩歌還完成了一個普通書記既謙卑又高尚的使命,即他為正開始的二十世紀人類智慧和感情注入了黑非洲的文化內容。〞

在他的論述和文章裡,桑戈爾還展現了他的博學多才。他說很早就發現了希臘文化和非洲文化的相似之處,其中包含著遠古非洲神秘的宗教儀式、巫師、樂師及古希臘的行吟詩人。他這樣寫道:〝非洲大陸對希臘文化的形成起過重大作用……希臘人愛說他們從埃及文明裡所得良多……但埃及人也很坦然,他們沒有諱言向非洲文化的借鑒:指出黑非洲的努比亞是他們文化的源泉……非洲大陸以及‵黑人性′總是互相混雜、交織一起形成以地中海為中心的文明,當然其中也有衰落的時候。〞

桑戈爾最重要的詩集是《埃塞俄比亞詩集》(Ethiopiques)。〝詩人像一名產婦,必須為其分娩。黑非洲卻是這樣一個神奇世界,這裡人們一受感動,回歸自我,語言便自然變得抑揚鈍挫,富於節奏。〞(《埃塞俄比亞詩集》跋)

桑戈爾一直鼓吹各民族間的文化交流和融合,並尊重其他文化。他甚至原諒殖民主義者的過錯並高度評價自己民族的文化。〝我有非洲戰鼓的活力,我是未來非洲的力量。〞他夢寐以求,渴望非洲南北永遠和諧統一。一些人批評他雖是非洲人卻更像法國人。對此他回敬道:〝我用法文寫作,但我總是以非洲黑人的身份來感受和思想,我其實成了一個文化混血兒。〞他年輕時即已獻身民族獨立事業,他發誓要〝從歐洲奪得令它優越的工具,當然還有機器,尤其是它的精神財富。〞他還學習阿拉伯語和古埃及語,並悉心研究塞內加爾北方的口語,他是一名操法語的熱情善辯的律師。

一九六零年,塞內加爾終於取得獨立,桑戈爾成為第一任總統,並連續以壓倒的多數獲選連任。一九七六年,他引進多黨制,儘管出現了兩個新黨,他仍然再度獲選。桑戈爾為塞內加爾帶來民主,功不可沒。雖然他對大學生及其舊戰友態度非常嚴厲,但他的影響和魅力遍及全國。一九八一年,桑戈爾退出國家事務,由其多年來悉心栽培的總理繼任。

桑戈爾繼承了非洲古代樂師及聖-約翰.佩爾斯(Saint-John Perse),不斷地提醒我們〝黑人性〞(註二)已成為二十世紀的人文主義,成為觀察、感受世界的方式,成為舞蹈、歌唱、繪畫、雕塑的方式,尤其是夢想的方式。

一九九六年,他說道:〝我不敢肯定就會死去。死就是地獄嗎?〞然而死神終於從他諾曼底的另一個家把他帶走了,留給我們他的全部著作。在他的作品裡,他夢寐以求,尋找一個最終變得更加和諧的星球。