Littérature
Texte : Peter Stockinger, P.U.

Ecriture et image

Ecriture et image : chacun des deux termes recouvre des notions complexes et variées sous-tendant la compréhension et les usages multiples du signe visuel qui constitue, avec le signe acoustique, l'un des deux principaux types de médias dont se sert l'homme pour exprimer, communiquer et échanger des idées, des informations, des connaissances et valeurs et des émotions.

La problématique de base à laquelle le signe visuel (et acoustique) est supposé répondre, est ubiquitaire, quotidienne, mais oh combien importante pour l'humanité et décisive dans son évolution culturelle.

Il s'agit de visualiser, de rendre visible une idée, un message, … et de le communiquer à un destinataire de façon telle que celui-ci puisse « faire le chemin inverse » : à partir du support visuel (de la graphie, de l'image, …) saisir l'idée, le message – par essence abstrait – et de le comprendre.

On le sait bien, l'industrie moderne de communication n'est guère pensable sans l'image dans le texte : les cartes et photos dans les guides touristiques, les dessins humoristiques et les données statistiques dans les journaux et revues, les dessins techniques et schématiques dans les manuels et les livres scolaires, les tableaux didactiques ou simplement divertissant dans les éditions populaires, scolaires ou enfantines de romans classiques ou autres chefs d'œuvres de la littérature du monde, etc. Réciproquement, le texte, lui aussi, peut jouer des rôles divers dans la construction du message qui se base essentiellement sur l'image comme le montre la tradition des phylactères au Moyen Âge ou, plus proche de nous, les bulles dans les bandes dessinées.

A chaque fois se pose la question de la place et de la fonction de l'image (le dessin, …) et de l'écrit dans la construction du message. Voyons donc à travers les trois exemples concrets ce rapport si riche, si imaginatif entre l'écriture et l'image :
1/  le rebus ;
2/  les « écrillustrations » (ou « caractères typographiques utilisés dans une fonction figurée) ;
3/  la poésie visuelle et, plus particulièrement, les calligrammes rendus populaires par Guillaume Apollinaire.

L'image qui tend à remplacer l'écriture : Le rébus
Enfant ou adulte – qui n'a pas déjà essayé de déchiffrer un rébus ou d'en faire lui-même ! Dans le rébus, le signe figuré (l'image) est utilisé pour exprimer un contenu phonétique à la place des signes graphiques (des lettres).

Voyons quelques exemples (figure 1) pris sur l'excellent site du Lycée François – Antoine et Consuelo Saint-Exupéry de San Salvador à El Salvador ( http://www.lfss.net/ )

Ici, l'image remplace donc partiellement, dans une optique imaginative et ludique, la fonction de l'écriture, du signe graphique au sens d'un support et d'un véhicule du message.

Tandis que dans le cas de la calligraphie, l'image ou le figuratif ornemental rajoute un « surplus de sens » à la dimension imaginaire, artistique, voire religieuse de l'écriture (du signe graphique) dans le cas du rébus, l'image tend à remplacer l'écriture – alphabétique, notamment – en représentant non pas des objets ou situations du monde mais des images, des figures acoustiques, c'est-à-dire des formes d'expression du discours oral – enfantin ou adulte :
-  L'image acoustique [scha] est représentée par l'image visuelle d'un chat ;
-  L'image acoustique [ne] est représentée par l'image visuelle d'un nez ;
-  L'image acoustique [le] est représentée par l'image visuelle d'une bouteille de lait etc.

Le remplacement du signe graphique, de l'écriture (notamment alphabétique) par l'image, le signe figuré se voit aussi dans d'autres procédés, d'autres réalisations artistiques que l'on trouve notamment dans le graphisme, les arts graphiques.

Graphisme et arts graphiques
Un exemple très parlant est celui des « écrillustrations »  - néologisme crée par la condensation des deux mots « écritures » et « illustration ». Ici, les auteurs et créateurs tirent profit de la potentialité figurative d'un caractère – alphabétique ou non – potentialité figurative qui peut être exploitée à des fins très différentes : didactique, politique, commerciale ou purement ludique.

Mentionnons ici les superbes réalisations du graphiste Joël Guénoun autour du thème « Les mots ont des visages » dont certaines peuvent être consultées sur son site. 

La figure 2 montre quatre exemples très parlants que je voudrais rapidement discuter :

1) Dans le mot « Staline », les caractères « l » et « i » sont utilisés pour faire allusion à la terreur stalinienne qui a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes : la graphie spécifique du caractère « l » cache une potentialité figurative la rendant capable de représenter – au moins d'une manière allusive – la potence tandis que celle du caractère « i » peut servir à faire allusion à la posture d'un fusillé en position verticale car attaché à la potence mais dont la tête – inanimée – est renversée vers l'avant.

2) Dans le mot « Tchernobyl », les deux caractères « T » et « o » servent à faire allusion d'une manière directe à l'accident catastrophique de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 et d'une manière indirecte à une « bombe » pouvant être déclenchée par un détonateur à tout moment par un agent invisible – mais de toute évidence, par l'être humain : ce sont d'une part la graphie du caractère « T majuscule » et du caractère « o » et d'autre part la composition topographique verticale positionnant les deux caractères qui nous représentent l'image schématique d'un détonateur suggérant une interprétation « épisodique » au sens de « l'explosion (du réacteur) de la centrale nucléaire de Tchernobyl » et aussi une interprétation « noétique » ou « mythique » « Tchernobyl – exemple de la folie nucléaire ».

3) Dans le mot « Clé » aussi bien la graphie des trois caractères – le « C », le « L » et le « e » que la composition topographique positionnant ces trois caractères, sont utilisées pour représenter l'image d'une clé schématique et stylisée – c'est un procédé connu et apprécié dans l'art et le design graphique.

4) Enfin, dans le mot « Gigognes », c'est surtout la composition topographique « en profondeur » et cylindrique, exploitant la graphie spécifique du caractère « G », qui permet à l'auteur (à Joël Guénoun) de représenter, cette fois-ci non pas un objet concret (comme la clé) ni une situation historique (la terreur stalinienne) ni encore une vision cauchemardesque (la folie nucléaire) mais bel et bien la notion , le concept « gigognes ».

La potentialité figurative ou, au moins la potentialité d'être allusivement figurative des caractères (alphabétiques ou non) est, bien sûr, utilisée et exploitée par le graphisme ou encore les arts graphiques (le « design graphique », comme on dit en allusion à l'expression anglaise « graphical design »). Ce sont les créations de logos mais aussi les représentations graphiques des noms de marque qui nous montrent l'extrême richesse allusive, suggestive, etc. ou plus généralement (comme on dit en sémiotique) connotative du signe graphique, de l'écriture.

Calligramme, collage graphique, poésie graphique, poésie visuelle
L'intérêt aux interactions entre signe graphique (écriture) et formes visuelles (à la fois topographiques, chromatiques et eidétiques) s'est toujours manifesté dans la création littéraire, poétique et artistique européenne : depuis le Moyen Âge, en passant par les périodes de la Renaissance, du Baroque jusqu'aux périodes contemporaines.

A partir de la fin du 19ème siècle, des mouvements artistiques – tels que les poètes maudits, les cubistes, les futuristes, les dadaïstes, les surréalistes, les lettristes, les conceptualistes, les minimalistes, etc. – ont tenté de déjouer d'une manière ou d'une autre les frontières historiquement et fonctionnellement établies entre la graphie et l'image ainsi qu'entre la parole et le son (le bruit et la musique) et, cela, à un niveau physique et concret.

Les objectifs de ces mouvements ont été systématiquement opposés aux traditions artistiques et littéraires (par exemple au naturalisme) et visaient à produire des manifestes politiques au sens large du terme (c'est le cas du futurisme et du dadaïsme), à laisser simplement libre jeu à l'imagination et, enfin, à expérimenter de nouvelles formes d'expression parfois utilisées, ensuite, dans le domaine des arts graphiques (du design graphique).

Des exemples connus ici sont les calligrammes du poète français Guillaume Apollinaire, les montages graphiques du dadaïste Kurt Schwitters, la poésie graphique d'Eugen Gomringer ou encore le roman hypergraphique d'Isidore Isou qui souhaite réintroduire, dans le roman, la tradition calligraphique ensemble avec les arts graphiques, la photographie, le dessin, etc.

L'expression « calligramme » - une condensation des deux termes « calligraphie » et « idéogramme » - a été rendue populaire par Guillaume Apollinaire dans un de ses recueils de poèmes (« Calligrammes », recueil publié en 1918). L'idée est de contraindre la réalisation d'un poème par la topographie bidimensionnelle d'une représentation figurative. Dans la figure 3 on peut reconnaître la forme visuelle schématique d'une tête d'homme portant un chapeau. Les lignes graphiques permettant la reconnaissance de cette figure constituent le texte du poème : « Reconnais toi. Cette adorable personne c'est toi. Sous le grand chapeau … »

Ces trois exemples – le rebus, les écrillustrations et la poésie visuelle des calligrammes – n'épuisent pas – bien loin de là toute la richesse des rapports entre les deux faces du signe visuel – le signe graphique/l'écriture et le signe figuré/l'image.

Pensons seulement à la grande tradition de la calligraphie occidentale, chinoise, japonaise, persane et arabe, pensons à l'art de l'enluminure, pensons aussi à tous ces mouvements d'artistes, de littéraires, de graphistes, .. qui, pendant le 20ème siècle ont essayé de développer des nouvelles formes d'expression en utilisant d'une manière non-conventionnelle et imaginative ces deux faces du signe visuel.

 

 

 

 



文學專欄

寫作與影像

寫作與影像:這兩個術語分別涵蓋各式各樣複雜的概念,這些概念成為人們理解、並以多種形式使用視覺符號的基礎。人們正是借助視覺符號和另一種主要媒介──聽覺符號,對想法、信息、知識、價值和情感進行表達、溝通和交流。

視覺(與聽覺)符號所理應解決的基本問題是無所不在的,貫穿我們日常生活,同時對人類又是如此重要,對其文化演進起到如此決定性的作用。

這一過程在於讓想法、信息化為形象,成為可視的……,並將其傳遞出去,讓接受者〝用相反的程式〞,從視覺載體(書寫和影像)中捕捉──本質上是抽象的旄想法和信息,並予以領會。

眾所周知,倘若文本中不帶圖像,簡直就無法想像當今的傳播業:導遊書中插有地圖、照片,報紙雜誌刊有幽默畫和統計資料表,教科書和操作手冊 ? 附有技術圖和示意圖,古典小說或其他世界文學名著的普及版、教學版或少兒版中也伴有解說圖或乾脆是娛樂插圖,不一而足。反過來,在以影像為主的信息構築過程中,文字也可以起到多種作用,如中世紀圖畫中卷軸狀文字框的傳統,或離我們更近的、連環畫中的對話框,便是明證。

在構築信息時,總會遇到影像(圖畫,……)和文字佔據何種位置及應起何種作用的問題。我們且通過三個具體例子來看看寫作與影像之間那無比豐富、極具想像力的關係 :
1)  畫謎;
2) 〝文字插圖〞 ( 或稱 〝字體格式用於形象化的功能〞 ) ;
3)  可視詩歌,尤其是阿波利奈爾 (Guillaume Apollinaire) 使之風行起來的象形書法作品。


1) Arrêtez de chasser les baleines
2) Arrê-ez - de - cha-sser - les - ba-leines
3) Arrête * haie * deux *chat * « c » * lait * «ba» * laine.
Source: http//www.lfss.net/cpc/jeux/rebus/rebus2.htm


1) Les pompiers tentent de stopper les feux tout autour de Sydnez.
2) Les - pom-pi-ers - tentent - de - stopp-er - les - feux t-out - au-tour - de - Sy-d-ney.
3) Lait * pont * pie «é» * tent * deux * stop * haie* dé * feux * «t»
  * houx * eau * tout * deux * scie * «d» * nez.
Source: http://www.lfss.net/cpc/jeux/rebus/rebus8.htm

趨於取代文字的影像 : 畫謎
無論孩子還是成人,誰沒試過猜畫謎或是自己發明畫謎的呢 ! 畫謎使用形象符號(影像)取代書寫符號(字母),來表達語音內容。
我們來看圖 1 的幾個例子,那是從薩爾瓦多的薩爾瓦多城 Antoine & Consuelo Saint-Exupery 法語高中的網站下載的,這個網站做得非常出色 ( http://www.lfss.net/ )

這裡,圖像就從想像和遊戲的角度,部分地取代了文字和書寫符號作為信息承載體的功能。

在書法作品中,影像和裝飾性的圖像為文字(書寫符號)〝添加〞了想像的、藝術的、甚至是宗教的〝含義〞。而在畫謎裡,影像趨於取代文字旄特別是拼音文字──,表現的不是物體或世態,而是聲音形式,即(孩童或成人)口頭話語中的表達方式:
- [scha] 的聲音形象由〝貓〞的視覺圖像來表示;
- [ne] 的聲音形象由〝鼻子〞的視覺圖像來表示;
- [le] 的聲音形象由〝一瓶奶〞的視覺圖像來表示;
- 如此等等。

以影像、象形符號來代替書寫符號和文字(尤其是拼音文字)也應用於其他手法、其他的藝術作品,特別表現在圖案設計和圖形藝術中。

圖案設計和圖形藝術
有一個例子很能說明問題, 就是〝文字插圖〞──這是由〝文字〞和〝插圖〞合二為一而成的新詞。作者和創造者可以發掘字體(無論是否拼音文字)的象形潛能,派作各種用場:教學上的、政治上的、商業上的或是娛樂上的用場。且看圖案設計家 Joël Guénoun 以 圖 2 展示了四個很能說明問題的例子,我簡略地談談:
1 )在〝斯大林 〞 (Staline ) 這個字裡,用〝 l 〞 和 〝 i 〞兩個字母影射奪去數以十萬計生命的斯大林恐怖時期 : 字母〝 l 〞的特殊
造型潛藏著一種形象旄至少可以暗指的方式──象徵著絞刑架, 而字母〝 i 〞則可暗指一個被槍殺的人,他由於被綁在柱上,
還處於直立狀態,但他那已無生命的頭,卻向前低垂著。
2 ) 在〝切爾諾貝利〞 ( Tchernobyl) 這個字裡,用〝T 〞和〝o 〞直接影射 1986 年切爾諾貝利發生的核事故,也間接暗示一顆炸
彈旄可以由一隻無形的但顯然來自人類的手,隨時按下引爆裝置而爆炸。〝大寫 T 〞和字母〝 o 〞的造型 ,加上兩個字母縱
向的構圖,勾勒出引爆裝置的大致形狀, 包含〝就事論事〞的含義,意即〝切爾諾貝利核電站(反應堆)的爆炸〞,同時也包
含一層〝思維〞或〝象徵〞的意義,即〝切爾諾貝利旄核瘋狂的典型例子〞。
3 )在〝鑰匙〞 ( Clé ) 一字裡,三個字母〝c 〞,〝L 〞和 〝e 〞 以及它們的排列構圖 , 呈現出一把具裝飾意味的鑰匙形狀旄這種
手法在藝術和平面設計中常見而且頗受歡迎。
4 ) 最後,在〝套層〞 ( Gigognes) 一字中 , 作者 (Joël Guénoun) 發掘了字母〝 G 〞的特定字體,特別利用〝縱深式〞 的圓筒形
構圖 , 這裡表現的不是(像鑰匙那樣的)實物,亦非(斯大林恐怖時期)的歷史狀況,更不是(核瘋狂)惡夢般的聯想,而是
   真真切切的一個概念,即 “ 套層 ” 的概念。無論拼音文字與否,字體的象形潛能,至少是形象影射的潛能自然在圖案設計或圖
形藝術(又稱〝圖形設計〞,由英語的 graphical design 而來)中得到了運用和發揮。各種標識以及品牌名稱的造型圖案中,
均可見書寫符號和文字在暗指、提示或(按符號學術語)更廣義的內涵上的無比豐富性。

象形書法作品,圖形拼貼,圖形詩歌,可視詩歌
在歐洲的文學、詩歌和藝術創作裡,人們一直對書寫符號(寫作)和(構造上、色彩上和遺覺上的)視覺形狀之間的互動關係表示興趣,這始於中世紀 , 貫穿文藝復興、巴羅克時期直至當代。

自十九世紀末始,各種藝術思潮,如被詛咒的詩人、立體派、未來派、達達主義、超現實派、字母派、概念派、最簡約派,等等,均試圖以各種方式,從物質和具體的層面上,打破書寫與影像、話語與聲音(聲音與音樂)之間的歷史上或功能上的界限。這些思潮的目的在於系統地打破藝術和文學傳統(如自然主義),追求發出廣義上的政治宣言(未來主義和達達主義即如此),聽任想像力自由馳騁,以及旨在試驗新的表現方式,隨後有時用於圖形藝術(或圖形設計)中。

這方面有些為人熟知的例子:法國詩人阿波利奈爾的象形書法作品,達達派畫家史威特(Kurt Schwitters )的圖形組合, Eugen Gomringer 的圖形詩歌,還有伊西多爾.伊蘇(Isidore Isou)的超圖小說。後者試圖把書法傳承、圖形藝術、攝影、素描等再度一併引入小說中。

〝象形書法〞的提法由〝書法〞 和 〝象形字〞濃縮而成,因阿波利奈爾的一部詩集(《象形書法作品》, 1918 年出版)而風靡起來。其用意在於以形象圖案的兩維構圖約束詩歌創作。 在圖 3 中,我們可辨別出一個戴著帽子的人頭像的大致圖形。組成該圖形的繪圖線條就是詩歌本身 : 〝能認出你自己嗎?這可愛的人兒就是你,在寬簷的帽子下…… 〞。

書寫符號(寫作)和形象符號(影像)同屬視覺符號的兩個方面,以上三個例子──畫謎、文字插圖和象形書法作品的可視詩歌,遠遠沒有窮盡它們之間豐富的聯繫。且讓我們想想西方、中國、日本、波斯和阿拉伯偉大的書法傳統吧,想想藝術家、文學家、圖案設計師們的各種思潮吧,他們在二十世紀裡力圖以不拘一格、富於想像的方式運用視覺符號的這兩個方面,不斷拓展新的表現形式。