French Cinepanorama 2012 法國電影節

Texte : Jean-Michel Frodon

 
  Claire Denis, le sentiment du monde
克麗雅丹妮的世界觀
 
 

Rares sont les cinéastes dont la présence se ressent aussi bien dès la vision des premières images de chacun de ses films. Tout de suite les films de Claire Denis font deux choses, en même temps. Quelque chose qui tient de l’envoûtement, de la création d’un lien intense qui semble s’adresser à chaque spectateur en particulier, et quelque chose qui tient du transport. Ses films emportent vers un lieu caché : au cœur des ténèbres, dira-t-on, d’autant plus volontiers que les sources africaines sont décisives chez elle. Mais ces ténèbres ne sont pas forcément celles de jungles inextricables ni celles des noirceurs de l’âme humaine comme chez Joseph Conrad. Ce sont celles des mystères de nos existences, de nos désirs et de nos peurs, ici, maintenant, partout.


Beau travail (1999)

On chercherait en vain parmi les cinéastes français quelqu’un d’aussi habité que Claire Denis par le sentiment du monde, dans ses complexités géographiques et humaines. Petite fille d’un habitant de l’Amazonie, fille d’un administrateur colonial, elle a été élevée au gré des affectations paternelles dans une Afrique qui inspire directement plusieurs de ses films (Chocolat, Man No Run, Beau Travail, White Material) et qui les hante tous. Venue au cinéma un peu par hasard, élève sans vocation particulière de l’Idhec, elle découvre combien elle est en affinité avec le langage du film grâce à d’autres voyages, esthétiques et géographiques. Assistante de Jacques Rivette, de Wim Wenders et de Jim Jarmusch, elle explore avec eux les labyrinthes de la modernité, les couloirs secrets qui relient réalité et imaginaire, et les territoires où elle les accompagne pour des repérages qui sont autant d’initiations. Paris rêvé de Rivette, Berlin halluciné de Wenders, et puis, pour Paris, Texas (Wenders) et Down by Law (Jarmusch), exploration durant des mois des paysages nord-américains.

Ces expériences d’autres espaces, d’autres lumières, d’autres rapports au mouvement, à l’organisation des villes et des mythes participent à la construction d’un rapport singulier avec l’espace, l’histoire, et la mémoire de ses représentations. Comme ceux de Rivette ou de Wenders, les films de Claire Denis portent la marque de quelqu’un qui a intensément regardé ceux de John Ford, de Howard Hawks, de Nicholas Ray, de John Cassavetes. Cela aussi participe de l’invention d’un regard, différent de celui des Américains eux-mêmes, bien sûr, mais aussi de ceux, Français notamment, pour qui l’Amérique « c’est du cinéma »,
qu’ils en fassent l’utopie ou le repoussoir de leur manière de filmer.

Ecoutez la rumeur du grand port coréen dans L’Intrus après le froid médiéval du Haut Doubs, éprouvez la chaleur blanche et sèche de White Material, entendez les harmoniques de trois continents autour du « pit » de combats de coqs de S’en fout la mort : ce cinéma-là est hypersensible aux puissances des lieux, aux enjeux politiques des rencontres, aux énigmes joyeuses et dangereuses des différences entre les langues, les cultures, les lumières, les musiques. D’autres voyages, d’autres rencontres, en Asie particulièrement, en Amérique latine et dans le monde arabe aussi, auront ensuite continué de faire de Claire Denis la plus cosmopolite des cinéastes français(es).

Mais l’essentiel n’est pas affaire de kilomètres parcourus ni de multiplicité des destinations. L’essentiel, qui est bien plus secret, est la capacité singulière à recomposer dans ses films les effluves complexes d’un rapport au monde à la fois très ouvert et très conscient de ses conflits. Pas nécessaire pour cela d’aller loin, les enjeux demeurent lorsqu’elle filme Paris et sa banlieue (S’en fout la mort, J’ai pas sommeil, U.S. Go Home, Trouble Every Day, Vendredi soir, 35 Rhums), ou Marseille (Nénette et Boni), ou « simplement » la rencontre entre deux grands critiques, dont l’un est devenu un grand cinéaste (Jacques Rivette, le veilleur, avec Serge Daney).

On hésite à ajouter ici cette évidence : Claire Denis est une femme. Le cinéma français s’honore d’être celui qui, dans le monde entier, compte la plus grande proportion de femmes cinéastes, au point que la notion de « film de femmes » a perdu sa pertinence face à la diversité extrême des réalisations. Il n’empêche que jamais au grand jamais un homme n’aurait réalisé les mêmes films que ceux de Claire Denis, même si c’est à peu près impossible à prouver. Comme le reste avec elle, cela se ressent, cela se partage intimement, pour les spectateurs comme pour les spectatrices. La petite fille de Chocolat, Katia Golubeva, la belle barbare de J’ai pas sommeil, l’adolescente de US Go Home, les trois héroïnes (vampire, amoureuse et victime : Béatrice Dalle, Tricia Vessey, Florence Loiret) de Trouble Every Day, Valérie Lemercier la mutante de Vendredi soir, le triangle composé par la cinéaste avec Marie N’Diaye et Isabelle Huppert pour White Material palpitent de cette sensibilité-là, de cette histoire-là, l’histoire des femmes dans l’histoire des humains. Et cela vaut bien sûr aussi sur la façon de filmer les hommes, la beauté du regard sur Alex Descas, Michel Subor, Isaach de Bankolé, Grégoire Colin, Vincent Gallo, Vincent Lindon ou Denis Lavant.

Au principe de tous les films de Claire Denis se trouve ce qu’on appellera, faute de mieux, un rapport magique. Ce rapport est fondé sur l’idée, ou l’intuition, d’une connivence intime entre ce que nous avons coutume de séparer : les humains et les animaux, les images et les sons, le présent et le passé… A sa manière, chaque fois différente, chaque film de Claire Denis invente la communion émouvante et riche de sens de ce que d’ordinaire nous percevons comme distinct, sinon opposé ou étranger. Regardez la Seine au début de Trouble Every Day, et laissez monter la sensation de ce qui fait écho au flot du sang dans le corps des humains et des bêtes, au flux du désir au fond de chacun, aux circulations de la peur et des agents de mort dans notre monde contaminé par les virus et les angoisses mondialisées. Elle qui a filmé des chorégraphes (Mathilde Monnier) et des philosophes (Jean-Luc Nancy), elle dont le travail est inséparable des connivences avec la musique, sonorités bikutsi, jazz urbain de John Lurie ou inventivité des Tendersticks, n’aura cessé de chercher et de trouver, avec la musicalité du cinéma, ce qui le fait danser, et penser.

Claire Denis réalise des films de genre, qui font de drôles de choses avec les lois de ces genres. Trouble Every Day est un film d’horreur, un film branché sur l’horreur contemporaine. 35 Rhums est un film d’amour, qui coule le long d’autres voies, des voies de fer et de soie qui relient la brûlure de l’alcool des Antilles, la dureté des transports urbains et la douceur du cinéma d’Ozu. L’Intrus est un film d’enquête et Beau travail une comédie musicale. Les trajets du RER parisien, la greffe du passé dans le présent sous l’invocation d’une sorcière en fourrure et par le sortilège d’un film fantôme, le ballet des légionnaires dans le désert de la Corne d’Afrique et la danse sauvage du soldat perdu tissent cette magie, qu’ailleurs on appelle poésie – on a reconnu les « correspondances » de Baudelaire, les « naissances latentes » des Voyelles de Rimbaud.

Poétique, le cinéma de Claire Denis ? Bien sûr, mais ce n’est pas assez si, comme trop souvent, on tient la poésie pour une manière de décrire. Ses films ne décrivent pas, ils inventent des histoires – il y a toujours un récit, souvent un conte – qui leur permettent de se connecter directement aux pulsations invisibles, qu’elle ressent et fera partager.

Il y a quelque chose du shamanisme dans cette façon de faire du cinéma, il serait absurde d’y voir pour autant quelque mysticisme ou oubli du monde que ce soit. Cinéaste habitée, Claire Denis habite le monde, notre monde. Par les chemins si singuliers qu’on a dits, chemins plus rares encore dans le cinéma français où si souvent prévalent rationalité, psychologie et puissance du discours, elle donne à ressentir et à comprendre à partir de ces sensations, les grands enjeux de notre temps. Convergences et conflits des civilisations et des cultures, angoisses et solitudes individuelles, vertige des migrations, reconduction et mutation des grandes oppressions. Une magie, oui, mais pas pour oublier et se perdre, une magie pour mieux voir et mieux comprendre.

 

每一部電影都能在開場的幾個鏡頭便使人強烈地感覺到其存在感的導演是非常罕見的。克麗雅丹妮 (Claire Denis) 的電影在同一時間能馬上做到兩件事:直接與每一個觀眾建立強烈的聯繫;傳遞某種介乎於使人迷惑和心蕩神馳的東西。她的電影把觀眾帶往一處隱閉的地方:因為非洲的一切對她有決定性的影響,人們很自然便說那隱閉的地方就是黑暗的最深處。但這黑暗並不一定是指錯縱複雜的森林或是如 Joseph Conrad 的小說中描寫的人類靈魂的黑暗面,而是指那無時無刻、無處不在,有關我們的存在、慾望和恐懼之奧秘的黑喑面。


White Material (2009)

如果想在法國電影導演中找到另外一個像克麗雅丹妮一樣,對地理和人性的複雜性都充滿世界觀的導演,絕對是徒然的事。她是一名亞馬遜河流域居民的孫女,父親是一名殖民地官員,因父親的工作關係而在非洲長大,這直接為她的多部電影 (《巧克力》(Chocolat)、《Man No Run》、《軍中禁戀》(Beau travail)、《白鬼子》(White Material)) 提供了創作靈感,而她的所有影片亦或多或少因而受非洲的影響。克麗雅丹妮進入電影圈是偶然的事,在法國巴黎電影高級研究院攻讀時她並沒有甚麼特別的志向,她是因為其他與旅遊、美學和地理等有關的經歷才發現自己對電影語言的特殊愛好。擔任積葵利維特 (Jacques Rivette)、 雲溫達斯 (Wim Wenders) 和占渣木殊 (Jim Jarmusch) 的助手時,她與他們一同在摩登世界的迷宮及連接現實和想像的秘密通道中探索,並且陪同他們一起視察拍片場地等一切入行的訓練。她為利維特夢想中的巴黎,溫達斯幻想出來的柏林,之後,為溫達斯的《巴黎,德薩斯》(Paris, Texas) 和渣木殊的《不法之徒》(Down by Law) 等影片花了多月的時間探索北美洲的風景。

這些圍繞着城市和傳說,對異域空間、異域光線及其他與動態有關的探索全都是為了與空間、歷史以及它所代表之記憶建立一種特別的聯繫,如利維特和溫達斯的電影一樣,克麗雅丹妮的電影清楚顯示出她曾仔細研究約翰福特 (John Ford)、侯活鶴士 (Howard Hawks)、尼古拉斯雷 (Nicholas Ray)、尊加沙域 (John Cassavetes) 等人的電影。亦因而促使了一種新視野的誕生。這種視野有別於美國人本身對事物的看法,當然也有別於法國人的,因為對法國人來說,美國本身就是「演戲」,不管他們把它視作是他們拍片手法的烏托邦或是阻礙。

繼中世紀法國東部杜河上游的嚴寒後,在《心之潛蝕》(L’Intrus) 中聽聽韓國大型港口的聲音,感受一下《白鬼子》(White Material) 中乾燥灼熱的烈日,在《不怕死》(S’en fout la mort) 的鬥雞場中聆聽來自三個不同大陸和諧的嘈音:這類電影對地域,對政治會議的利害關係,對語言、文化、光影、音樂之間那令人愉快和危險的差異所產生的影響極之敏感。其他的旅程,尤其是到亞洲,拉丁美洲,還有阿拉伯世界的旅遊和交流亦繼續使克麗雅丹妮成為法國最具世界觀的電影導演。

但關鍵並不在於行走的里數和目的地的多少。關鍵是更為隱秘的,是在於她有能力在其電影中將那些從一個十分開放並且對自身衝突有着高度意識的世界中衍生出來的複雜關係重新組織起來。而且並不需要為這類挑戰到遙遠的地方去,當她拍攝巴黎及其鄰近市郊 (《不怕死》(S’en fout la mort)、《不眠夜》(J’ai pas sommeil)、《U.S. Go Home》、《血洗蜜月期》(Trouble Every Day)、《星期五晚上》(Vendredi soir)、《巴黎日和》(35 rhums)),或馬賽港 (《不知不覺愛上你》),又或者「只」是與兩位著名的影評人,其中一位成為了偉大的電影人(《看守者積葵利維特》(Jacques Rivette, le veilleur)) 會面時,這些就是挑戰了。
在這一刻,大家都不願意加入這項明顯的事實:克麗雅丹妮是一位女性。法國電影以擁有全世界最大比例的女性電影製作者而引以為傲,甚至,女性製作的電影之多元化已到了一個地步,「女性電影」這概念已失去原來的意義。但事實就是,男性是絕對絕對不可能製作一些與克麗雅丹妮相同的影片,雖然這幾乎是不可能加以證實的。正如一切與她有關的事物,這只能由男女觀眾親自去領會和私密地分享。《巧克力》(Chocolat) 中的小女孩,《不眠夜》中美麗野性的嘉蒂蓮娜歌露比娃 (Katia Golubeva),《U.S. Go Home》中的少女,《血洗蜜月期》中的三名女主角 (吸血鬼、情人和受害者:貝雷尼絲黛爾 (Béatrice Dalle)、翠西亞華西 (Tricia Vessey)、弗朗絲萊希 (Florence Loiret)),《星期五晚上》中由華麗兒雷米絲 (Valérie Lemercier) 飾演的變種人,《白鬼子》中由導演本人,編劇 Marie N’Diaye 及伊莎貝雨蓓組成的鐵三角等都與這種感性,這種故事,即人類歷史中的女性故事互相呼應。而且,這一種感性不用說也適用於她拍攝男性的方式,她眼中亞力士德卡 (Alex Descas)、米修素波 (Michel Subor)、艾錫克特班高利 (Isaach de Bankolé)、格哥亞哥蘭 (Grégoire Colin)、雲遜加路 (Vincent Gallo)、雲遜蘭頓 (Vincnet Lindon) 或丹尼拉凡 (Denis Lavant) 等人的美好。

克麗雅丹妮的所有電影都有一種我們或何稱之為神奇的關係,因為實在找不到其他更好的說詞。這種關係是基於概念,或是直覺,是一種發自內心的默契,我們習慣將東西分門別類:人和動物,影像和聲音,現在和過去…… 克麗雅丹妮的每一部電影每次都各自以不同的方式從一些我們平常理解為明顯的,不然就是相反的或奇異的事物中創造豐富感人的思想交流。在《血洗蜜月期》開場時看到的塞納河喚起我們心中的一些感覺,這些感覺與人類和動物體內血液的流動,自每個人心底湧現的慾望,還有我們的世界因受病毒污染和世界性憂慮所傳遞的恐懼和死亡物質互相呼應着。她曾經拍攝過編舞家 (Mathillde Monnier),又拍攝過哲學家 (Jean-Luc Nancy),她的作品與音樂,與喀麥隆 bikutsi 騷靈音樂的音色,與 John Lurie 的都市爵士樂或是 Tendersticks 的創意之間的默契是不能劃分開來的,她不停地透過電影中的音樂感尋找並發現讓她的影片舞動和思考的東西。

克麗雅丹妮製作的類型電影令這些類型的電影產生怪異的反應。《血洗蜜月期》是一部恐怖片,是一部有關現代人的恐懼,使人傷感的影片。《巴黎日和》是一部走其他路線的愛情片,那些以鋼鐵和絲綢鍛造的道路連接着灼人的加勒比海酒精,艱苦的城市交通系統和日本導演小津的電影中的柔情。《心之潛蝕》是一部調查研究的電影,而《軍中禁戀》是一部音樂片。巴黎高速鐵路的旅程,穿着皮草的女巫透過向一部鬼片下咒將過去日子轉移到現在,外籍兵團在非洲吉布提沙漠中如芭蕾舞般的訓練以及迷失的士兵們野性的舞蹈,這一切都交織成一種在別處被稱作詩意的魔力。

那麼,克麗雅丹妮的電影富詩意嗎?這是當然的了,但若我們視詩意作為一種描寫手法,而這現象是非常普遍的,那便不足夠了。她的電影並不是描述,它們以述說故事的形式來直接與一些肉眼看不見的,但克麗雅丹妮感覺到並想與人分享的節拍互相連結起來。

這種電影的製作方法有點兒薩滿教的味道,但若視它們為某種神秘主義或遺世的想法卻是荒謬的。作為一個心繫世界的導演,克麗雅丹妮是我們這個世界的居民。克麗雅丹妮透過上述提到的那些不尋常的創作手法 ─ 而對向來以理性、心理和說服力強而見稱的法國電影來說更屬罕見 ─ 讓我們藉着那些感覺來親身體會我們現今時代所面對的重大挑戰。那是一種魔力,誠然,但不是藉此來忘卻或誤入歧途,而是一種能讓我們得以看清楚事物真相的魔力。