ARTS VIVANTS 動態藝術

Propos recueillis par Elsa Polycarpe

 
  Queerness en mouvement
舞動酷兒
 
 

Paroles avait déjà rencontré Alice Rensy, productrice de danse contemporaine en 2016 (n. 248) : nous l’avons retrouvée comme cofondatrice du Movement Festival qui se tient tous les deux ans au Eaton Hotel, avec, l’artiste réunionnais, Brandon Gercara, invité en résidence à l’automne pour préparer la 4e édition du festival en juin 2026. Une interview croisée qui dévoile une future performance au croisement d’esthétiques drag, queer et politique.


Lip sync de la pensée © Brandon Gercara

Alice, peux-tu nous parler des débuts du Movement Festival ?
Le Movement Festival est né en 2018, lorsque Chantal Wong, directrice à l’époque de la programmation culturelle d'Eaton, m'a exposé son projet : défendre les réfugiés, l’environnement et le mouvement à travers le spectacle vivant. Cette idée, bien que vague, était enthousiasmante, l'art vivant étant mis à un niveau d’importance inédit. De cette idée est né le festival, dont je suis aujourd’hui productrice. Chaque édition nous a permis d’apprendre, de rebondir et de nous améliorer. Actuellement, je rencontre les artistes, j’échange et je négocie. C’est une période riche qui nourrit l’ambiance unique du festival à venir. La quatrième édition ne fera pas exception, avec une ambiance incroyable, simple et très ouverte. Même si le festival suscite de l’attente, il fait face à un problème budgétaire. Les financements gouvernementaux exigent des projets axés sur la réalité virtuelle ou la technologie, une voie que je ne souhaite pas emprunter. Bien que toutes les esthétiques soient les bienvenues dans ce festival et que la technologie puisse y trouver sa place, le festival repose sur mon travail et mon approche esthétique qui se tourne plus vers le minimalisme.

Comment as-tu rencontré Brandon Gercara et quel est ton rôle auprès de lui ?
J’ai rencontré Brandon par l’intermédiaire d’un commissaire d’art à Paris, Martin Bas. À Pâques, j’ai visité une exposition au Musée des Beaux-Arts où j’ai rencontré Martin Bas. Nous avons sympathisé et il m’a aidé à accéder à des dossiers d’artistes, dont celui de Brandon. Suite à la dernière édition du festival, le consulat général de France nous a apporté un soutien financier pour accueillir un artiste français en résidence. Comme responsable, je l’accompagne, le présente à la scène locale et fais le lien avec Eaton. Je cherche à comprendre son univers pour le transmettre au mieux. Chaque projet est différent, et avec Brandon, plus j’explore, plus c’est riche.

Brandon, quel est ton parcours artistique ?
Je me définis comme un artiste-chercheur décolonial et kwir (traduction réunionnaise de l’anglais queer) engagé pour l’émancipation des personnes LGBTQIA+ à La Réunion. Mon travail commence par la performance et s’étend à divers médias. À l’École des Beaux-Arts de La Réunion, on nous encourage à explorer une idée avec n’importe quel médium, car l’idée et son impact priment sur la maîtrise technique. Je ne sais pas peindre, mais je le fais pour l’esthétique. Je n’ai pas de formation en chant, mais je chante par urgence d’expression et de militantisme. Après mes études, peu de personnes queer chantaient à La Réunion, alors j’ai voulu militer par la musique et rassembler ceux que l’art contemporain excluait. J’ai piraté et détourné des chansons sexistes puis créé des clips pour les réseaux sociaux, visant à établir un nouveau modèle : queer et réunionnais.

Après la diffusion de mes chansons, j’ai subi des vagues de cyberharcèlement, de menaces de mort et d’agressions physiques, sans que mes plaintes ne soient prises en compte. J’ai réalisé que le système protégeait les harceleurs et les homophobes. Ces épreuves m'ont poussé à écrire sur l’absence de rassemblement dans la commununauté queer face aux violences subies. C’est en voulant rassembler que j’ai organisé la première Pride de La Réunion en 2021. Depuis, elle a lieu chaque année. Pour moi, il faut agir sans attendre pour que les personnes LGBTQIA+ s’émancipent.

Quel projet présenteras-tu lors du festival en juin ?
Pour le Movement Festival, je performerai Lip Sync de la pensée : je m’inspire de l’art du drag en synchronisant mes lèvres sur des écrits féministes : ceux d’Asma Lamrabet du courant féminisme islamique, de Françoise Vergès du féminisme décolonial et d’Elsa Dorlin, féministe intersectionnelle. Je les incarne physiquement et vocalement en me transformant grâce à des changements de costumes. J’ai créé cette pièce pour rendre accessibles les outils d’émancipation féministes à ceux qui ne lisent pas, comme dans mon milieu, non pas par manque de curiosité, mais par priorités. Lire et s’émanciper sont un luxe. En transformant ces textes en spectacle, je démocratise et vulgarise le langage académique. Comme dans le drag, je réactive des figures féministes dans de nouveaux espaces. Inspiré par Judith Butler, je montre que le genre est une construction sociale qu’on peut performer et questionner. J’ai appris ces textes par cœur pour me permettre de répondre, d’argumenter et d’offrir au public des outils au public. Mon projet est d'explorer les pensées féministes, queer et les discours militants à Hong Kong. Je souhaite étudier les références locales, enregistrer des voix sur le féminisme et la queerness, afin de créer une performance ou un enregistrement qui reflète cette scène locale, ses enjeux et ses discours.

Qu'est-ce que t'apporte la fiction pour ta création ?
La fiction répare les imaginaires blessés et permet d'embellir, voire d'influencer la réalité. La première Pride est née ainsi : d’abord une fiction puis une réalité. À Hong Kong, j’utiliserai la fiction pour préserver ma liberté d’expression, que j’exerce pleinement en France en critiquant ouvertement la politique coloniale. La distance géographique devient un atout : évoquer d’autres pays permet au public de se projeter et révéler les points communs entre des contextes d’apparence opposés guide subtilement sa réflexion. En abordant un sujet indirectement, je contourne les questions épineuses et déjoue la censure.

En montrant mon travail hors de La Réunion, j’espère aider d’autres communautés LGBTQIA+, car les discriminations sont universelles. Mon travail peut résonner avec chacun, où qu’il vive. La domination existe partout, d’où l’importance de partager les techniques d'émancipation. En Martinique, j’ai rencontré des artistes avec lesquels nous avons échangé des pistes de résistance et j’ai expliqué comment nous avions organisé une Pride à La Réunion. Mon travail vise à créer un réseau de résistance et à partager des moyens d'émancipation : créer un espace sécurisé, se mettre en contact et discuter.

 

早在2016年,第248期的《東西譚》就曾採訪過當代舞蹈製作人Alice Rensy。如今,她以舞動節共同創辦人的身份與我們再聚。舞動節每兩年一度在香港逸東酒店舉行,留尼旺藝術家Brandon Gercara受邀於秋季駐場,他會為於2026年6月舉行的第四屆舞動節進行準備工作,並將一同受訪。這次訪問讓我們可率先預覽一場糅合變裝、酷兒和政治美學的表演。

Alice,您可以介紹一下舞動節的起源嗎?
舞動節在2018年創辦,當時的逸東酒店文化節目總監黃子欣向我提出一個構想,她希望透過表演藝術來宣揚支持難民、環保與「舞動」的理念。這個想法雖然模糊,但卻令人振奮,因為表演藝術被賦予了前所未有的重要地位。舞動節正由此誕生,現在我更成為了其製作人。每一屆舞動節都讓我們能從中學習、調整自我,並進一步改善成長。目前我正與不同藝術家會面、交流和協商。這段充實的時期會孕育出舞動節的獨特氛圍。第四屆舞動節亦不會例外,將會延續那股出人意料、簡單而非常開放的氣氛。儘管舞動節備受期待,但我們仍面臨預算問題。政府傾向資助以虛擬實景或科技為重點的計劃,不過這並不是我想走的路。雖然舞動節歡迎所有的藝術形式,而我們也接受科技,但舞動節仍以我自身傾向於簡約主義的工作和美學方法為重。

您與Brandon Gercara是如何認識?您在他駐場期間擔任什麼角色?
我是透過巴黎的一位藝術策展人Martin Bas認識Brandon的。那年復活節,我參觀了美術館的一個展覽,並認識了Martin Bas。我們彼此投緣,他讓我查看了一些藝術家的檔案,當中包括了Brandon。在上屆舞動節過後,法國總領事館資助我們接待一位法國藝術家駐場。於是,作為負責人的我便支持Brandon,向本地藝術界介紹他,並協助他與香港逸東酒店溝通交流。我盡力了解他的藝術世界,以盡量傳達當中內容。每項計劃都獨一無二,而與Brandon的合作越深入,內容就越豐富。


Lip sync de la pensée à la Biennale contemporaine de Casablanca

Brandon,可以談談您的藝術旅程嗎?
我認為自己是一個去殖民化和「kwir」(留尼旺語對英文「queer」的翻譯,即酷兒)藝術研究者,致力促進解放留尼旺的LGBTQIA+社群。我的創作始於行為藝術,然後延伸至不同媒體。留尼旺美術學院鼓勵我們透過任何媒體探索意念,因為意念和其影響力比技術更加重要。我不會畫畫,但我會為了美而去繪畫。我沒受過聲樂訓練,但基於表達和行動主義上的迫切需要,我會唱歌。我在畢業後,發現在留尼旺唱歌的酷兒不多,所以便想透過音樂發聲,並凝聚那些被當代藝術圈排擠在外的人。我改編並重新詮釋帶有性別歧視意味的歌曲,並製作影片在社交媒體上發表,希望建立一種既酷兒又留尼旺的全新模式。

在歌曲發表後,我曾遭受網路欺凌、死亡恐嚇和人身安全威脅;不過,並無人理會我的控訴。我因而意識到體制保護的是騷擾者與恐同者。這些經歷促使我寫下關於酷兒社群在面對暴力時缺乏團結的反思。為了凝聚力量,我便在2021年於留尼旺舉辦了首屆同志驕傲活動。自此,這項活動每年均會舉行一次。對我而言,只有立即行動,才能解放LGBTQIA+社群。

您在六月的舞動節會呈獻什麼作品?
我會在舞動節上表演《Lip Sync de la Pensée》。我從變裝藝術汲取靈感,以對口型方式演繹多位女性主義者的文字,包括伊斯蘭女性主義者Asma Lamrabet、去殖民女性主義者Françoise Vergès,以及交叉女性主義者艾莎.多林(Elsa Dorlin)。我以身體和聲音演繹這些文字,並透過換裝蛻變。我創作此作品的目的是要讓不閱讀的人,例如是我所處環境中的人,也可接觸到女性主義解放工具。他們不是不好奇,而是因為有其他更優先的事情要做,所以不去閱讀。閱讀和自我解放,有時是一種奢侈。我將文字化為表演,將學術語言變得更加普及和容易明白。在變裝環節中,我在新的空間裡重新喚起女性主義形象。受到朱迪斯.巴特勒(Judith Butler)所啟發,我展示出性別是可以表演和探討的社會結構。我背誦這些文字,以便能回應觀眾,與他們辯論,並為其提供可運用的工具。我這次希望探索香港的女性主義和酷兒思想,以及行動主義論述。我希望透過研究本地資料、錄製女性主義和酷兒相關聲音,創作出可反映本地現象、議題與論述的表演或錄音作品。

想象在您的創作中有何作用?
想象可修復受傷的幻想,能美化甚至影響現實。第一屆同志驕傲活動便是如此誕生——先想象,後成真。在香港,我將以想象保護我的言論自由。這種自由我在法國得以充分實踐,能公開批判殖民政策。地理距離變成一種優勢,談論他國的議題,能讓觀眾自我投射,明白到外表對立的情境之間其實存在共通點,並引導他們作更深層的思考。以間接方式探討議題,我便能避開敏感問題和審查。

我將作品從留尼旺帶到其他地方,以幫助其他LGBTQIA+社群,因為歧視其實在全世界都有發生。我的作品能讓每個人產生共鳴,而不論其生活於何地。壓制無處不在,因此分享解放的技巧十分重要。在馬丁尼克時,我與當地藝術家交流了抗爭方法,也說明了我們如何在留尼旺舉辦同志驕傲活動。我的目標是建立一個抗爭網絡和分享解放的方法——建造安全的空間,讓人彼此連結和對話。


 
 

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