ARTS VIVANTS 動態藝術

Propos recueillis par David Cordina

 
  Tang Shu-wing met en scène Godot
鄧樹榮執導《等待果陀》
 
 

Figure majeure du théâtre hongkongais, Tang Shu-wing aborde pour la première fois l’univers de Samuel Beckett avec En attendant Godot, présenté en décembre prochain au théâtre Shouson du Hong Kong Arts Centre. Il en dirige la traduction, la mise en scène et la production. Nourri de philosophie orientale, le metteur en scène mêle ici dépouillement, spiritualité et réflexion sur l’absurde contemporain. Dans cet entretien, il revient sur sa découverte de Beckett, la résonance de l’attente dans notre monde inquiet, ainsi que sur les choix artistiques de sa future mise en scène.

Pourquoi le choix de Beckett ?
C’est la première fois que je mets en scène Beckett. J’ai toujours été intéressé par les questions liées à l’humanité, notamment la philosophie et la spiritualité. Beckett est rarement joué à Hong Kong, car nous sommes davantage exposés à des pièces bien construites (dans un sens traditionnel). L’absurde reste un domaine de niche. J’ai vu En attendant Godot pour la première fois au début des années 1980, dans une production en cantonais montée par une troupe locale. J’avais trouvé cela très intéressant, mais difficile à saisir dans son sens profond. L’œuvre n’a vraiment pris place dans ma liste de projets qu’après avoir vu une mise en scène de Godot réalisée par Beckett lui-même pour la télévision française, quelques mois avant sa mort. Ce spectacle était formidable, indescriptible. Roman Polanski, dans le rôle de Lucky, était fabuleux. Mais je savais déjà qu’en monter une version serait une tâche redoutable.

En 2019, je suis monté jusqu’au camp de base de l’Everest, et j’ai soudain réalisé que je voulais créer quelque chose autour des grandes questions de l’humanité. Deux œuvres me sont venues à l’esprit : la Bhagavad-Gita et En attendant Godot. J’ai monté la première en 2023. Je pense que 2025 est le bon moment pour la seconde, car je dispose désormais d’une équipe solide d’acteurs et de créateurs.


Affiche de En Attendant Godot, 2025

L'absurde développé dans cette œuvre résonne-t-il toujours de la même façon dans le climat politique mondial actuel ?
L’absurdité d’aujourd’hui est encore plus intense qu’à l’époque de Beckett. On nous enseigne souvent que la vie a un but et qu’il faut l’atteindre grâce à notre savoir et à nos compétences. Mais au final, nous en arrivons à toutes sortes de déformations. Nous devenons égoïstes, pris dans les rivalités de pouvoir et les compétitions économiques à l’échelle mondiale. Nous faisons partie intégrante de cette immense machine.

Albert Camus disait que si nous pouvons expliquer le monde — peu importe que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons —, nous restons conscients de ce que nous faisons. Mais si nous ne pouvons plus expliquer, nous sommes perdus. C’est tellement vrai ! L’explication conduit à la définition. Or la définition est exclusive, car elle découle de points de vue personnels. Elle divise facilement le monde entre le noir et le blanc, avec des partisans de tous bords qui s’affrontent pour défendre leur identité. Rien n’a vraiment changé : la difficulté à communiquer par les mots, l’effondrement de la foi spirituelle, l’illusion du temps, les cycles inévitables des ascensions et des chutes humaines. L’homme demeure fondamentalement seul.

Comme les deux vagabonds de Godot, nous attendons encore. La technologie n’y change pas grand-chose. Notre nature insatiable croît plus vite que jamais dans l’histoire. L’intelligence artificielle représente la plus grande menace que l’humanité ait connue. Les politiciens, les entrepreneurs et les scientifiques ne parlent que de ses avantages, et rarement de ses dangers. Savons-nous que la technologie du quotidien n’est qu’une infime partie de la technologie militaire ? Plus la première devient conviviale et sophistiquée, plus la seconde se révèle terrifiante dès que la guerre éclate. N’est-ce pas déjà là quelque chose d’absurde ?

De grands discours se tiennent chaque jour sur la table, mais sous la table, un autre monde agit en silence, à notre insu. Mais tout cela est-il si pessimiste ? Pas forcément. Je me rends compte que le drame de Godot se rapproche beaucoup de la philosophie orientale, notamment du bouddhisme. Il est vrai que la nature de toute chose est vide, que rien n’est permanent. Au-delà du monde matériel existe un monde transcendant. La sagesse de la vie réside dans notre capacité à voyager entre ces deux mondes, afin de comprendre quelles expériences nous devons vivre et lesquelles nous devons laisser passer. Si nous parvenons à nous détacher de tout tout en continuant à faire fonctionner les choses dans le monde matériel, nous pourrions bien trouver une issue. Comme le disait Beckett : « Je ne suis en route vers nulle part, je suis simplement en route. » C’est une forme de sagesse qui s’applique aussi aux relations humaines. Et comme le rappelait Camus : « Ne marche pas devant moi, je ne te suivrai peut-être pas. Ne marche pas derrière moi, je ne te guiderai peut-être pas. Marche à côté de moi et sois simplement mon ami… » Si nous prenons conscience que nous sommes tous, à des degrés divers, des Vladimir et des Estragon en quête d’une issue spirituelle — et qu’il nous arrive aussi d’endosser les rôles de Pozzo ou de Lucky dans notre vie quotidienne —, alors nous pourrons peut-être rire de l’emprise du monde ordinaire : tout n’est qu’un jeu, comme le tournait en dérision, avec tant de lucidité, Eugène Ionesco. L’Enfant, à la fin, pourrait bien représenter notre Terre de Rêve éternelle, tapie au plus profond de notre inconscient collectif. Si l’on considère En attendant Godot comme un poème, tout devient plus léger — mais si léger que cette légèreté même produit un impact immense sur notre esprit, sans que nous en soyons conscients. Là encore, un paradoxe.

Les didascalies chez Beckett sont très précises : est-ce pour vous « un corset ou un carcan ? » Quels choix artistiques privilégiez-vous pour cette mise en scène ?
Le texte et les didascalies de la pièce sont immuables, même si une certaine souplesse est apparue récemment concernant ces dernières. Une fois que l’on choisit de monter Beckett, il faut se préparer à être lié à lui. C’est comme une partition de musique classique : les notes existent depuis des siècles, mais c’est le chef d’orchestre qui décide de la manière dont elles seront interprétées. Les metteurs en scène fonctionnent de la même façon : ils cherchent à inscrire leur empreinte dans un Beckett fidèle à l’esprit de l’œuvre. Nous sommes là pour transmettre la poésie du matériau.

La simplicité est ma ligne directrice dans ce travail. Le texte est traduit en cantonais contemporain afin de le rendre plus accessible au public d’aujourd’hui, avec des surtitres en mandarin et en anglais. La tonalité visuelle du plateau est monochrome, pour souligner le passage du temps — un choix qui, avec un jeu de lumières précis, peut créer des images saisissantes. J’explore la dimension comique de la pièce, comme l’indique son sous-titre : tragicomédie. Les comédiens des années 1950, maîtres de l’art du burlesque, servent de référence, même si j’injecte une énergie nouvelle à travers ma propre équipe d’acteurs.

Il y a dans le texte de nombreuses pauses et des indications scéniques très précises, inscrites entre les lignes. Mais combien de temps doivent durer ces pauses ? Comment traduire ces indications à travers le jeu des acteurs ? Quelle forme aura l’arbre ? Est-ce seulement un élément visuel ou bien quelque chose qui porte la vie ? Ces questions, c’est à mon équipe et à moi d’y répondre. Il n’existe pas de vérité universelle dans la mise en scène de cette œuvre, mais plutôt une approche esthétique partagée au sein d’une équipe donnée, pour en transmettre au mieux la poésie. Cette mise en scène sera sans doute l’un des projets les plus exigeants de toute ma carrière. Je l’aborde avec une joie et un enthousiasme intacts.

 

在香港舞台劇界舉足輕重的鄧樹榮,首次執導森緲.貝克特(Samuel Beckett)的作品,於本年十二月在香港藝術中心壽臣劇院呈獻《等待果陀》(En attendant Godot)。鄧樹榮親自負責翻譯、導演與監製。這次的創作汲取了東方哲學元素,導演鄧樹榮將簡潔手法、靈性與對當代荒謬的反思融入其中。在訪問中,鄧樹榮談到自己與貝克特的初次接觸、對在這個焦慮的世界中等待的共鳴,以及執導該劇時的藝術取向。

為什麼選擇貝克特的作品?
這是我第一次執導貝克特的作品。我一直對關於人的問題感興趣,尤其是在哲學和靈性的層面。貝克特的作品很少在香港上演,因為我們更常接觸一些在傳統意義而言結構嚴謹的作品。目前,荒謬戲劇在香港仍屬小眾。我第一次看《等待果陀》是在1980年代初,那是由本地劇團演出的粵語版本。我當時覺得它非常有趣,可惜未能完全領會當中深意。後來,我看到貝克特在去世前數月親自為法國電視執導的版本。自此,《等待果陀》才真正在我的計劃清單上出現。那個版本的演出精彩得難以言喻。羅曼.波蘭斯基(Roman Polanski)飾演Lucky,演得非常出色。不過,那時我就知道,要演出另一版本的《等待果陀》,將是一項艱鉅的挑戰。

在2019年,我登上了聖母峰基地營,那時我忽然意識到自己想創作關於人類重大問題的作品。於是,兩部作品浮現在我腦海之中,分別是《薄伽梵歌》和《等待果陀》。2023年,我執導了《薄伽梵歌》。我認為2025年正是上演《等待果陀》的好時機,因為我現在擁有一支出色的演員與創作者團隊。

這部作品中的荒謬,在當前的全球政治氛圍之下,仍然可以引起同樣的共鳴嗎?
今日的荒謬,比貝克特活著的時代更加強烈。人們常常被教導人生要有目標,並必須要靠自己的知識和能力去達成。然而,最終我們卻扭曲了一切。我們變得自私,被全球的權力鬥爭與經濟競爭所吞噬。我們都是這龐大機器的一部分。

阿爾貝.卡繆(Albert Camus)說過,如果我們可以解釋世界的現況,則不論理由好壞,我們仍對自己做的事情有所自覺。但如果我們已經無法再解釋,就代表我們已經迷失了。這句話說得非常對!解釋,衍生出定義,而定義則有排他性,因為它源於個人觀點。定義很容易會將世界變成黑和白,雙方為了捍衛自己的身份而對立。一切都沒有真的改變——語言溝通的困難、精神信仰的崩解、時間的幻象、人類無可避免的起伏循環……

在本質上,人依然孤獨。

就像《等待果陀》的兩個流浪漢一樣,我們仍在等待。科技並未改變什麼。我們那永不知足的天性,正以史無前例的速度膨脹。人工智慧是人類有史以來所面臨的最大威脅。政客、企業家和科學家卻只談論其好處,鮮有提及其危險。大家可知道,我們日常使用的科技,只是軍事科技的冰山一角?民間生活中的科技越是方便精良,軍用科技在戰爭爆發時,就越是可怕。這難道不已經是荒謬之事嗎?

我們每天看到檯面上的所謂重大議題,但在檯面下,另一個世界卻在默默運作,且無人察覺。一切是否很悲觀?這也不一定。我發現《等待果陀》的戲劇精神,其實與東方哲學,特別是與佛學接近。萬物皆空,世間無常,這都說得對。塵世之外,存在更高層次的世界。生命的智慧,在於我們能否在兩個世界之間自由往返,以了解什麼應該經歷,什麼應該放下。若能做到不執著,同時讓塵世的事情得以繼續運作,我們或許能夠找到困境中的出口。正如貝克特所說:「我並不是在前往任何地方,我只是單純在上路。」這也是一種智慧,適用於人際關係。又如卡繆所言:「別走在我前方,我或許不會追隨。也別走在我身後,我可能不會引領你。就與我並肩同行,大家做個朋友吧……」如果大家可以體會其實我們或多或少都與《等待果陀》裡的Vladimir和Estragon相似,大家都在尋找精神出口;而在日常生活中,我們也不時會扮演Pozzo或Lucky這兩個角色。這樣,我們或許能對塵世的枷鎖一笑置之。正如歐仁.尤內斯庫(Eugène onesco)清醒地以諷刺方式所表示的一樣:「一切不過是一場遊戲。」劇末的那個「孩子」,或許象徵著我們心靈深處那個永恆的「夢幻之地」。如果將《等待果陀》視為一首詩,一切都會變得輕盈。但這份輕盈卻對我們的心靈產生巨大影響,而我們自己卻未必察覺。這又是一種矛盾了。

貝克特的舞台指示非常嚴謹。對您而言,這是有助創作的框架,還是限制自由的枷鎖?在這次演出中,您在藝術上會有何取向?
劇作的文本和舞台指示都是不可更改的,儘管近年我們對舞台指引已經有較大彈性。既然選擇了要演貝克特的作品,就要準備好忠實呈現他的想法。這就像古典音樂的樂譜,長久以來音符早已存在,但如何詮釋卻由指揮家決定。導演的情況也一樣,他們努力留下自己的個人印記,但必須忠於貝克特的作品精神。我們的職責是要傳達劇中的詩意。


Une des premières couvertures de la pièce éditée aux Editions Minuit, 1952, Paris

這次我將以簡約路線執導。劇本已經翻譯為現代粵語,並配以中英文字幕,讓觀眾更容易理解。舞台將採用單色調,以呈現時間流逝的感覺,另配合精準的燈光效果,藉此營造出強烈影像。我也會表現出劇中的喜劇元素,正如副標題所示,這是一套「悲喜劇」。1950年代的演員可說是荒誕藝術的大師,可引為參考,但我會透過我的演員團隊為劇作注入新的活力。

劇本中有許多停頓和精準的舞台指示,但要停頓多久?演員要如何演繹出這些提示?那棵樹是什麼樣子?它只是裝飾,還是有著生命力?這些問題都有待我和團隊一同探討。《等待果陀》並沒有普遍正確的演繹,有的是團隊共同的藝術演出,大家竭盡所能將作品中的詩意傳達得盡善盡美。《等待果陀》無疑是我舞台劇生涯中最具挑戰性的劇目之一。我會懷著如初的喜悅和熱忱迎接它。


 
 

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